En 1993, DLS écrivait ces quelques lignes ; comment la situation a-t-elle évolué ?

La santé sur la mauvaise pente


Notre système de protection sociale fait piètre figure. Après avoir longtemps représenté un modèle, il est aujourd'hui à la traîne du monde développé. Le système de distribution de soins est naufragé. Quelques chiffres : un des plus chers du monde (10 000 F par an et par Français, juste après les USA), un taux de remboursement en baisse et qui est déjà un des plus bas d'Europe, un taux d'exclus qui a doublé en 10 ans, passant de 3 à 7%, enfin des personnels (médecins, infirmières) parmi les plus mal payés du Marché Commun.

On ne peut que constater l'imbroglio d'un système à cinq ingérable (le malade consomme, le médecin prescrit, la Sécurité Sociale rembourse, le ministère fait semblant d'organiser, l'industrie manipule tout le monde). Ce morcelement déresponsabilise les gestionnaires et favorise l'activisme des lobbies de tout acabit. On assiste à une répartition des ressources et des compétences médicales sans rapport cohérent avec les besoins réels, et des gaspillages flagrants voisinent avec des carences insupportables. La solidarité, fondement de notre système, est bien loin, le gaspillage des uns entraîne l'exclusion des autres, et la médecine à deux vitesses est déjà entrée dans les faits.

Quelques axes de réflexion nous semblent devoir retenir l'attention des acteurs de la santé
dans les mois à venir.

Organisation du système de protection sociale

Les cafouillages de la dernière convention médicale ont mis en lumière les limites de la sacro-sainte gestion paritaire. Il s'agit de repenser complètement le système de protection sociale, d'imaginer un nouveau contrat devant la nation. La création indispensable de liens organiques entre mode de financement et gestion des soins impose une refonte totale de l'ensemble. Beaucoup de courage et d'imagination seront nécessaires pour éviter la faillite de la solidarité qui se dessine actuellement.

Formation

Il n'y aura pas d'évolution significative du système de soins sans mutation de la formation initiale et continue. L'enseignement est particulièrement inadapté pour les infirmières, les généralistes et les chercheurs, et ses objectifs devront être définis par les besoins effectifs et non par ceux des enseignants.

Recherche

De la même façon, les objectifs de la recherche doivent être fixés en fonction des besoins médicaux. Actuellement, ils dépendent soit des tocades de quelques universitaires, soit des objectifs commerciaux de l'industrie bio-médicale. L'absence quasi totale de recherche clinique indépendante de l'industrie est une véritable absurdité. Il est vain de prétendre organiser quoi que ce soit dans le domaine de la santé sans relancer la recherche appliquée et y affecter des moyens nécessaires. Il s’agira alors d’investissements réellement productifs à moyen terme.

Organisation du système de soins

Alors que le consensus médiatique semble se faire sur la défense du rôle de la médecine générale, la quasi-totalité des mesures prises depuis des décennies favorise outrageusement la valorisation financière et intellectuelle d’une médecine technicienne pseudo-scientifique. Les timides tentatives de réforme ébauchées dans la dernière convention ne semblent pas devoir être mises en pratique.

Le fonctionnement de la médecine libérale, où le paiement à l’acte représente le seul revenu du médecin, met celui-ci en position de dépendance totale vis à vis des exigences (pas toujours justifiées) du patient. La qualité de l’acte, le maintien à niveau du praticien ne jouent aucun rôle dans sa carrière. La logique et l’éthique médicale ont du mal à survivre à cette confrontation.

Le public (pourtant principal intéressé, tour à tour cotisant et remboursé, citoyen et malade) était hier encore absent du débat sur la santé. Il ne perçoit pas l'ensemble des distributeurs de soins comme un système cohérent à son service. En guise d'éducation sanitaire, le public ne reçoit que les messages publicitaires du marketing médical et industriel, et précipite les médecins dans la dérive technologique. Sa perplexité ne peut que s'accroître quand il est interpellé tour à tour, au nom de la qualité des soins, par les infirmières, les apôtres de l'ultra-libéralisme ou les protagonistes de la convention médicale.

La pratique soignante implique un fort lien de type affectif. C’est pourquoi le libre choix du malade est indispensable. Mais il ne doit pas permettre la multiplication de prises en charges aussi coûteuses que contradictoires, voire dangereuses. A la gesticulation diagnostique et thérapeutique, il faut substituer une démarche globale valorisant la qualité de la relation malade-médecin.

Comment décider et appliquer une politique de santé répondant aux besoins de la population?


En fait, des solutions pour faire avancer la plupart des problèmes du système de santé sont explorées depuis longtemps. De nombreuses mesures ont été imaginées, voire appliquées dans d’autres pays. Mais des blocages institutionnels empêchent la tenue d’un débat véritable dans notre pays.
Il s'agit de dépasser le pouvoir des divers groupes de pression, et pour cela mobiliser le pays en profondeur en organisant de véritables états généraux de la santé.